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     Lettre ouverte aux dirigeants et managers territoriaux

    « Les conseillères et conseillers en organisation, acteurs à vos côtés de la résilience et de la transition du service public local »

    Le conseil en organisation assuré par des agents publics se développe ces dernières années en réponse au besoin croissant des collectivités d’accompagner le changement et les transformations dans le secteur territorial.

    Fédérés au sein de l’Association nationale des conseiller·ère·s en organisation , ces professionnels s’engagent à travers leurs missions, aux côtés des dirigeants et des managers, et au  plus près des équipes et  des agents, pour défendre au  nom de l’intérêt général, un service public fort et efficace.

    Mobilisés pendant la crise Covid-19, ils ont, de par leur vocation, pu conserver une posture relativement distanciée sur les événements. S'ils en appellent aujourd’hui à la vigilance alors que l’activité reprend progressivement dans un contexte incertain, ils livrent ici leurs recommandations pour faire de cette crise l’opportunité de réussir la transition du service public local.

    Ce que nous avons constaté : une mobilisation exemplaire

    D’abord, une formidable mobilisation du service public sur les territoires, qui a su s’adapter face à une crise sanitaire inédite. Cette capacité s’est souvent appuyée sur la centralisation de la prise de décision. Ce mouvement s’est opéré de diverses manières d’une collectivité à l’autre. Il a fait ressortir la primauté du tandem autorité territoriale – direction générale. Cela n’est en rien surprenant puisqu’il correspond au schéma classique de la gouvernance locale. Ensuite, c’est un modèle de commandement efficace et réactif pour décider et agir sur les questions relevant de l’urgence. Enfin, cette centralisation est la marque d’un haut niveau de responsabilité et d’engagement des dirigeants territoriaux confrontés à une situation tout à fait exceptionnelle.

    Ce qui nous interpelle : un besoin intact d’intelligence collective et de cohésion

    Cette adaptation de la gouvernance locale, aussi subite que justifiée, a possiblement modifié les dynamiques et équilibres existants avant la pandémie au sein des organisations territoriales. Cela s’appuie, en temps normal, sur de nombreux acteurs en interaction : élus, usagers, agents dans la diversité de leurs métiers et de leurs missions opérationnelles et fonctionnelles, encadrants, cadres dits « experts », représentants du personnel, partenaires locaux. Ces dynamiques et ces équilibres supposent de la participation, de la transversalité, du débat, de la négociation, de la créativité… qui sont autant de facteurs d’enrichissement de l’action.

    Il n’est pas à exclure que le processus inédit de gestion de crise, s’il a pu être à l’origine d’initiatives et d’exemples d’abnégation remarquables, aura aussi atténué la place de ces facteurs d’enrichissement, avec le risque d’une résurgence d’un modèle bureaucratique à contre-courant du mouvement de transformation de l’action publique. La sacralisation du

    « faire », la prééminence de « l’agir » face à l’urgence sanitaire auraient-ils déprécié l’intérêt de réfléchir ensemble et de coconstruire les solutions ? C’est un point de vigilance que nous devons garder à l’esprit, notamment à l’heure de tirer les premiers enseignements de l'épreuve que nous venons de traverser.

    De surcroît, l’urgence à agir, empreinte de l’exigence majeure de protection des personnes, a également fait passer au second plan, en les suspendant voire en les supprimant purement et simplement, une multitude d’activités, de services, de projets  et  de  dynamiques transversales ; ceux-là même qui constituaient, hier, le substrat du service public local et la raison d’être du travail quotidien de la grande majorité des agents. N’y aurait-il pas là un risque d’ancrer durablement dans l’opinion publique et au sein même de nos organisations la dichotomie entre services essentiels et non essentiels, et ce  faisant,  de fragiliser l'image du service public local en le rendant vulnérable à de futures attaques ?

    Constatant la grande diversité des situations individuelles chez celles et ceux qui, en tant que fonctionnaires ou contractuels, incarnent et  mettent en œuvre le service public sur nos territoires, sommes-nous certains d’avoir pris la juste mesure de l’enjeu de cohésion de la reprise d’activité ? Comment répondre au ressenti des agents exposés en première ligne au virus pour assurer la continuité de service, de ceux qui, en nombre, sont restés confinés chez eux sans activité professionnelle pour se conformer aux directives, de ceux qui ont continué à travailler à distance en mode dégradé, souvent hors PCA, hors PRA, des encadrants qui ont improvisé avec les moyens du bord pour maintenir le lien social et managérial avec leurs équipes quand d’autres y ont renoncé ?

    Ce que nous recommandons : réussir ensemble

    Le post-confinement relève incontestablement d'un accompagnement individuel et collectif, qui, dans certains cas, peut s’apparenter à une prise en charge post-traumatique. Cela rend indispensable, à l’initiative des managers, une phase préalable d’écoute et de partage des différents vécus émotionnels dans un cadre bienveillant.

    Face à l'incertitude chronique, alors que dans les communes s'installent les nouveaux conseils municipaux, le besoin impérieux de repères nous rappelle l’importance de réaffirmer le sens de l’action publique, les valeurs communes et le cap à suivre pour les équipes.

    Avant le Covid-19, les collectivités étaient déjà engagées dans un processus de transformation faisant émerger des modes plus agiles d’organisation et de management fondés sur la confiance, le travail collaboratif, la simplification, le co-design des politiques publiques ou encore la créativité, le tout sur fond de révolution digitale.

    La crise a pu accélérer ce processus par certains aspects, notamment au travers du déploiement du travail à distance et de la massification des usages numériques collaboratifs ; elle a aussi montré les limites et le besoin de garde-fous, tant sur le plan de l’équilibre vie privée / vie professionnelle, que sur les questions éthiques autour de la protection des données, des libertés individuelles mais aussi de l’écologie.

    Tirer les enseignements de la crise nécessite désormais un large bilan au sein des collectivités, misant avant tout sur l’intelligence collective et sur notre sens partagé du bien commun et de l’intérêt général.

    Cela suppose également un questionnement collectif et non dogmatique sur la place du management dans les organisations territoriales, que ce soit en termes de posture ou de compétences requises pour concilier l’exigence du présent avec l’incertitude du lendemain.

    Pour faire de cette épreuve une opportunité, il convient de fédérer nos énergies et de s’appuyer sur tous les acteurs qui y sont prédisposés. Parmi ces acteurs, les conseillères et les conseillers en organisation restent mobilisés à vos côtés pour relever le défi de la résilience et de la transition du service public local.

     

    L'andCO - Juin 2020